Modifié le 21 août 2023

SERIAL MEETINGS, JETLAG ET BUSINESS : DANS LA FIÈVRE D’UN FRENCH TECH TOUR

Temps de lecture : 6 minutes

Il ne s’attendait pas à ça.Quand Jean-Michel Hugo, le fondateur de TEMISTH, débarque dans une usine en Chine, il pense avant tout mesurer le retard qui sépare encore les industriels chinois de leurs homologues européens en matière de fabrication additive[1]. Son entreprise TEMISTH s’est elle-même lancée dans le domaine en 2012, sur un périmètre spécifique […]

Il ne s’attendait pas à ça.
Quand Jean-Michel Hugo, le fondateur de TEMISTH, débarque dans une usine en Chine, il pense avant tout mesurer le retard qui sépare encore les industriels chinois de leurs homologues européens en matière de fabrication additive[1]. Son entreprise TEMISTH s’est elle-même lancée dans le domaine en 2012, sur un périmètre spécifique – la conception de composants pour systèmes thermiques[2] – et ce voyage en Chine intervient au moment où l’entreprise envisage de passer à l’industrialisation de son produit, après plusieurs années de production à la demande pour les grands donneurs d’ordre de l’aéronautique ou de l’automobile.

Rendez-vous, découvertes et… business


En pénétrant dans l’usine, Jean-Michel a des préjugés tenaces… immédiatement dissipés. Car, sous ses yeux, son hôte dévoile des solutions totalement innovantes qui n’ont rien à envier à l’état de l’art européen. « Ce qui m’a frappé, c’est le pragmatisme de certaines solutions : plutôt que de modifier les paramètres de leur machine, ils ont agi sur les moules de fabrication… Au retour du voyage, on s’est promis d’adopter davantage cette vision « produit », plutôt que de focaliser uniquement sur le procédé », témoigne Jean-Michel Hugo. Avant d’ajouter : « Et puis on est en cours de négociation pour fournir un industriel rencontré sur place, cela va probablement nous donner l’occasion de passer à la phase d’application ».

Ce genre d’expérience, c’est typiquement ce dont les carnets de voyage des participants « French Tech Tour » regorgent : rendez-vous, découvertes, enseignements et… business. Car, comme le précise Matthieu Charrière, responsable du programme chez Business France : « On n’est pas là pour faire du tourisme d’affaires, on est là pour rencontrer les bonnes personnes et décrocher des contrats ».

Depuis 2008, année de sa création à San Francisco, ce programme d’immersion dans un marché cible a déjà accueilli plus de cinq cents entreprises pour un marathon de rendez-vous sur quelques jours (French Tech Days) – voire quelques semaines (French Tech Tour). USA, Italie, Allemagne, mais aussi Chine, Japon ou Brésil… : ce sont quelques-unes des 13 destinations du programme, réactualisées chaque année en fonction des attentes des entreprises. « En 2018, nous avons ouvert un voyage aux Emirats Arabes Unis et un autre en Afrique. Et en 2020, ce sera la zone PECO…»

Des motivations claires


Car le principal moteur de ces expéditions est avant tout la prospection commerciale : « Le French Tech Tour intervient souvent comme le passage au niveau supérieur après un salon international : les entreprises veulent valider leur stratégie de lancement sur un marché et accélérer le décollage », confirme Matthieu Charrière. D’où le processus de sélection à l’entrée qui vise à vérifier que les participants ont déjà des bases solides en France (CA, clients, trésorerie) et un réel intérêt business pour la zone…

Retour à Marseille où Jean-Michel Hugo raconte : « Pour moi, le French Tech Tour a commencé à Toulouse en juin 2018, sur un salon aéronautique mettant la Chine à l’honneur. C’est là que nous avons commencé à envisager ce pays, alors que nos perspectives de croissance en France étaient souvent bornées par le marché des grands donneurs d’ordre européens ». Après discussions avec son équipe, décision est prise d’envoyer un dossier de candidature en août et quelques semaines plus tard, TEMISTH devient… lauréat – le nom qui qualifiera désormais les participants du voyage.

Une communauté avant, pendant, après


« En moyenne on retrouve une petite dizaine de personnes par voyage, explique Matthieu Charrière. Et les échanges et liens tissés entre eux contribuent largement à la réussite du Tour ». Sentiment partagé par Jean-Michel Hugo : « Les pots qu’on est allés boire le soir pour débriefer, les trajets ensemble et les discussions sur place ont vraiment enrichi ces quinze jours. J’ai pu partager mes interrogations business et bénéficier de l’expérience et du réseau des autres. Pas si fréquent que ça dans le milieu professionnel… »

Cet esprit fédérateur, il commence à Paris lors du Bootcamp de préparation, un mois avant le départ : là, pendant deux jours, les futurs participants se rencontrent et découvrent ensemble les spécificités liées à la zone qu’ils vont prospecter. Ateliers économiques, juridiques, culturels et préparation au pitch… le kit de survie pour éviter les impairs et se préparer au mieux. « Les présentations sur la sécurité industrielle et le dépôt d’un brevet en Chine, c’était particulièrement formateur pour moi, se souvient Jean-Michel Hugo. Et puis il y a eu les témoignages d’entrepreneurs qui vivent en Chine… ça permet de se projeter ».

Cette notion de préparation, Business France met particulièrement l’accent dessus : « Pour optimiser le voyage sur place, il faut que l’emploi du temps soit stabilisé au minimum à 80% au moment du départ, expliquer Matthieu Charrière. Ce qui explique qu’un mois avant on désigne un interlocuteur unique Business France dans le pays pour pitcher l’entreprise à l’écosystème local et décrocher un maximum de rendez-vous ». Car la multiplicité et la pertinence des rencontres (en moyenne deux ou trois rendez-vous par jour sur dix-quinze jours), c’est ce qui fera le succès du Tour une fois sur place.

Les serial « meeters »


Ça y est, c’est le grand départ. Les lauréats ont tous leur planning à jour avec, alternativement, des rendez-vous one-to-one, des rendez-vous en groupe (visite d’un grand compte local ou d’une administration), des sessions de pitchs pour des investisseurs ou encore des soirées de networking avec l’écosystème local (média, entrepreneurs, communauté française).

« C’était très intense, témoigne Jean-Michel Hugo qui est parti fin novembre – début décembre 2018. J’enchaînais des rendez-vous – trois ou quatre par jour – de deux heures environ, puis il y avait les transports entre chaque point de rencontre. Entre Shanghai, Canton, Shenzen, Hong Kong, Chengdu et Pékin, on arrivait dans une nouvelle ville tous les deux soirs environ et, à chaque fois, on était invités le soir de notre arrivée par des institutionnels locaux et des investisseurs, avec sessions de pitchs à la clé ».

De ces quelques jours de folie, outre la richesse des rencontres professionnelles, il garde également le souvenir de l’accompagnement : par les interprètes d’une part (« des discussions très intéressantes, ils m’ont fait découvrir la Chine ! »), mais aussi par son conseiller Business France et l’attaché de presse qui le déchargent d’une grande partie de l’organisation. « Et puis, finit-il par plaisanter, comparé au salon du Bourget, ce n’est pas si fatigant ! »

Au bout du voyage: convertir…


Le plus dur est probablement davantage de revenir : car après dix jours d’absence, les dossiers se sont empilés et le quotidien reprend le dessus. « Pour transformer le bénéfice d’un French Tech Tour, il n’y a pas de miracle, souligne Matthieu Charrière : il faut entretenir le contact dès le retour, raison pour laquelle nous demandons aux entreprises de nous mettre dans la boucle de leurs échanges ». Relances par mails, demandes de devis, conversations WeChat… : Jean-Michel Hugo a pu ainsi mesurer rapidement le ROI de toutes ces rencontres. « Deux devis sont actuellement en cours de négociation », confirme-t-il. En novembre 2019, il envisage de retourner en Chine, à Chengdu.

« L’idéal pour ce type d’opération, ajoute Matthieu Charrière, c’est de dédier quelqu’un au marché cible et de le former par le French Tech Tour : c’est cette ressource qui assurera ensuite le suivi des contacts ».

Car entre le temps passé loin du bureau et le coût du voyage, l’expédition peut parfois inquiéter les entrepreneurs « nez dans le guidon ». « Honnêtement, cela ne m’a pas paru plus cher que l’investissement pour un salon, témoigne Jean-Michel Hugo. On a obtenu des financements Bpifrance, et ensuite on s’est organisé en interne pour assurer le suivi des dossiers ». D’autant que les participants du Tour ont la possibilité de gérer leurs mails directement sur place et de continuer à gérer à distance.

Most active accelerator of the year


Un an après son retour, Jean-Michel Hugo affiche sa satisfaction : « C’était une belle expérience de prospection : cela nous a permis de prendre les premiers contacts. Et puis on sait ce qui se fait et ce sur quoi on doit accélérer… ». Le lundi 7 octobre 2019, il se rend dans les locaux de Business France pour rencontrer la promotion 2019… comme un air de passation. « Ce programme, c’est un format d’opération totalement inédit, appuie fièrement Matthieu Charrière, On a même été primés par un média américain ! » En 2017, le magazine CB Insight a en effet désigné le programme IMPACT (le programme dont émane le French Tech Tour) : “Most active accelerator for French Startups”… Une façon de rendre hommage à la mission que s’est donnée l’équipe : « Un marché, ça peut prendre un an à prospecter. Avec nous, ce sera quelques jours ».

Voici les prochains French Tech Tours / Days :

[1] Par impression 3D

[2] Ex : radiateurs d’automobile, systèmes de refroidissement d’ordinateurs…

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