Modifié le 21 août 2023
L’évolution de l’écosystème tech latino-américain et des investissements dans la zone (2010 – 2022).
L’écosystème tech latino-américain a connu un tournant décisif en 2022 : après des volumes de collectes de fonds et des investissements records en 2021, ces deux indicateurs ont baissé en 2022, constate le fonds d’investissement GP Bulhound dans un rapport approfondi sur le sujet. La dynamique s’est-elle arrêtée ou a-t-elle simplement ralenti ? D’après l’étude réalisée […]
L’écosystème tech latino-américain a connu un tournant décisif en 2022 : après des volumes de collectes de fonds et des investissements records en 2021, ces deux indicateurs ont baissé en 2022, constate le fonds d’investissement GP Bulhound dans un rapport approfondi sur le sujet.
La dynamique s’est-elle arrêtée ou a-t-elle simplement ralenti ? D’après l’étude réalisée par GP Bulhound, la réponse n’est pas aussi simple : les startups ont dû ajuster leurs stratégies commerciales pour correspondre à ce que recherchaient les investisseurs, c’est-à-dire, la rentabilité plus que la croissance à tout prix, compte tenu des évènements macroéconomiques qui ont bousculés l’économie.
La thèse d’investissement prédominante a également évolué : alors qu’elle se concentrait sur l’investissement dans les fintechs en croissance/pré-IPO et sur les modèles B2C, elle se focalise désormais sur les modèles B2B SAAS Early Stage. GP Bulhound reste optimiste sur l’évolution de l’écosystème tech en Amérique latine et identifie les éléments clés détaillés ci-après.
Les principales spécificités et catalyseur de l’écosystème tech latino-américain
UNE RÉGION, DEUX ÉCOSYSTÈMES
Selon GP Bulhound, le paysage de la tech latino-américaine est composé de deux écosystèmes au sein d’une même région : le Brésil, avec ses propres dynamiques d’une part, et les pays hispanophones d’autre part : Argentine, Paraguay, Colombie, Chili, et Mexique principalement.

MATURITE DE L’ECOSYSTEME VC
L’émergence des fonds d’investissement Early stage et des financements soutenant l’innovation témoigne d’une maturité des investisseurs. Il existe de nombreux marchés inexploités, compte tenu de l’écart entre les niveaux de capitaux investis en early stage, dirigé par des fonds régionaux, et ceux investis en late stage, dirigée par des investisseurs internationaux.
LES TECH FAB
Plusieurs entreprises technologiques créées pendant les années 2000 sont devenues aujourd’hui de véritables fabriques à Startup. Les entrepreneurs de la génération 2000 – 2010 forment ainsi la génération suivante. Parmi ces grandes entreprises créatrices de startups, on retrouve les sociétés argentines Globant, et Mercado Libre cotées au Nasdaq et également Rapi au Brésil.

Globant est une SSII internationale, fondée en argentine, opérant en Amérique latine, mais aussi aux Etats-Unis, Canada, en Inde et en Europe (Espagne, France, Allemagne, Roumanie, Royaume Uni). Elle a été créée en 2003 à Buenos Aires, mais sert principalement des clients aux États-Unis et au Royaume-Uni. Globant s’associe à des universités du monde entier pour parrainer et investir dans des startups qui aident à lutter contre les problèmes que la technologie engendre elle-même.
Mercado Libre est une multinationale argentine dont le siège se trouve à Montevideo et qui se consacre au commerce électronique en Amérique latine. Fondée en 1999, elle est présente dans la plupart des pays latino-américains. En 2022, elle est devenue la première entreprise argentine à intégrer le palmarès des 100 marques les plus valorisées à l’échelle mondiale, selon l’étude Most Valuable Global Brands réalisée par Kantar.
Rappi est une start-up de livraison à la demande crée en 2015 à Bogotá, en Colombie. Elle opère aujourd’hui dans presque toute l’Amérique latine. L’entreprise propose des services de livraison de produits venant de supermarché, de restaurants, de pharmacie, de livraison express, de shopping, de boissons, ainsi qu’un service exclusif de voyages, Rappi Travel. Elle compte plus de 10 millions d’utilisateurs actifs mensuels et évaluée à plus de 5 milliards de dollars.
FOCUS SUR LE B2B et le SOFTWARE
La pandémie COVID-19 a joué un rôle de catalyseur dans la transformation des grandes entreprises de la zone. Ces dernières recherchant des solutions innovantes répondant à des besoins organisationnels, de productivité et commerciaux. Gp Bulhound constate que les startups latino-américaines adoptent de plus en plus le modèle Software B2B au détriment du modèle B2C plébiscité auparavant dans la région. Le nombre d’entreprises B2B créées chaque année est passé de 30 % en 2010 à 61 % en 2022, et le nombre d’entreprises B2C est passé de 70 % en 2010 à 39 % en 2022.

Indépendamment du positionnement B2B ou B2C, Les solutions logicielles sont en train de capter progressivement la majorité des investissements. Alors que les Fintech ont reçu le plus grand montant d’investissement en 2022, les solutions software sont arrivées en deuxième position avec 34 % et figure en tête du classement en termes de volume d’opérations (37,9 %).
De nombreux exemples d’Exits dans la zone, l’IPO privilégiée.
Au cours des dix dernières années, quatorze entreprises tech latino-américaines ont été cotées en bourse aux États-Unis et dix-neuf sur les marchés locaux, l’IPO a été le type d’exit le plus sollicité et utilisés par les actionnaires.
Sur plus de 280 investissements réalisés par des fonds d’investissements identifiés par GP Bulhound, seulement 15% ont achevé un cycle complet « levée de fonds puis exit ». Une réserve d’exit est en train de se constituer, ce qui générera sans doute de beaux ROI pour les actionnaires. Plusieurs entreprises ont récemment déposé une demande d’introduction en bourse et les investisseurs spéculent sur d’autres introductions en bourse potentielles, ainsi que sur un fort intérêt pour des transactions commerciales privées.
Les États-Unis ont historiquement été le marché privilégié pour les introductions en bourse en raison de leur taille et de leur spécificité, offrant plus de liquidité, mais nous pourrions voir davantage de sorties sur les marchés locaux à mesure que l’écosystème régional se développe.
Des entreprises comme Mercado Libre, Globant, Nubank, Despegar et 99 sont des success stories, et ces premiers entrepreneurs ayant réalisé un cycle complet stimulent la croissance et la confiance dans l’écosystème pour les entrepreneurs suivants et pour les investisseurs.
Les quatre vagues de l’écosystème tech d’Amérique latine…
L’écosystème tech latino-américain a considérablement mûri ces vingt dernières années : on dénombre aujourd’hui plus de 50 licornes dans la zone, 30 sociétés cotées en bourse et 35 milliards de dollars investis. Cette évolution s’est déroulée en quatre vagues, influencées par l’environnement sociopolitique de la région.
Vague 1 (De la bulle de l’internet à 2010)
Cette période a permis à certains acteurs clés de l’écosystème comme Mercado Libre et Globant de voir le jour et de bâtir des fondations solides qui ont été nécessaires pour construire l’écosystème pendant les années suivantes.
Vague 2 (2011-2015)
Après la Crise de 2008, les premiers acteurs VC régionaux ont vu le jour, soutenus par l’afflux de capitaux publics (en particulier au Mexique) et d’autres initiatives public-privé visant à accroître les investissements dans la tech.
Alors que le flux d’opérations était limité dans le passé, leur nombre a été stimulé par l’augmentation de la connectivité dans la zone et le savoir-faire des premiers investisseurs : l’e-commerce et les plateformes B2C ont vu le jour.
Vague 3 (2016- 2019)
L’écosystème a commencé à prospérer, soutenu par les investissements locaux et par la création du fonds SoftBank Latin America, plaçant la région sur la carte mondiale des investisseurs et attirant d’autres fonds internationaux.
La perception de la zone a évolué favorablement, ce qui a conduit à une augmentation du flux de transactions.
Sur le plan sectoriel, les premières fintechs se sont lancées, motivées par les besoins des entreprises du e-commerce en termes de solutions de paiements et par l’enjeu de bancarisation de la population, créant ainsi les premières offres financières B2C.
Vague 4 (2020- 2022)
L’utilisation de la technologie par les classes moyennes s’est généralisée dans la zone et la transformation digitale des grandes entreprises s’est accélérée pendant la pandémie ; les fonds d’investissement transfrontaliers y ont vu une opportunité unique de prendre des participations dans des sociétés levant des fonds. Vingt-huit milliards de dollars ont été investis dans la région en 2020-2022, dont 73 % dans l’E-commerce et dans le secteur Fintech.

« Nous continuons à voir un écosystème fort et résistant, et nous pensons que cela peut durer. Il y a encore beaucoup de liquidités disponibles chez les VC locaux qui ont clôturé des fonds au cours du second semestre 2022. En termes de secteurs, nous pensons que nous avons atteint la quatrième génération de fondateurs, qui développent davantage de projets de logiciels B2B », souligne Rafa de Haro, associé chez Cometa, fonds d’investissement Early Stage mexicain.

Le focus sur les entreprises Early stage s’est maintenu en 2022, avec une forte représentativité des investisseurs étrangers malgré certains vents contraires
Les entreprises Early Stage captent la majorité des investissements
Selon l’étude de GP Bulhound, les entreprises Early stage ont capté une majorité des investissements tant en montant investis (64%) qu’en nombre de transactions (94%). Toutefois, certains investisseurs ont privilégié des entreprises plus matures, notamment celle en phase de pré-IPO, compte tenu du pipeline important d’entreprises pouvant faire l’objet d’exit ou désirant s’introduire en bourse.

La dette émergente et les instruments hybrides sont également devenue une option d’investissement intéressantes pour les fonds qui répondent aux critères d’éligibilité des émetteurs.
Après une période 2020-2021 marquée par un nombre record d’investissement réalisés dans la région, tant en nombre qu’en volume, l’année 2022 a été plus difficile pour tous les acteurs de l’écosystème du capital-risque en Amérique latine ; les fondateurs et les entreprises ont dû, pour la plupart, passer d’un modèle visant la croissance à un modèle se concentrant sur la rentabilité, en apprenant à fonctionner dans un environnement où les capitaux sont limités.
Forte représentativité des investisseurs étrangers malgré certains vents contraires
Les investisseurs nouvellement arrivés dans la région ont été confrontés à une combinaison d’événements négatifs, notamment l’augmentation rapide des taux d’intérêt dans le pays où sont domiciliés les fonds (le plus souvent les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE) et la fluctuation des taux de change et des taux d’intérêt dans le pays où se trouve la société en portefeuille.
Cependant, cela n’a pas empêché les investisseurs internationaux d’être fortement représentés dans les deals effectués. En effet, 46% des montants investis et 23% des transactions viennent d’investisseurs étrangers, tandis que 49% des montants investis et 35% des transactions effectuées viennent de co-investissements entre investisseurs locaux et étrangers.
Les investisseurs qui investissent depuis longtemps dans la zone ont subi les mêmes vents contraires, mais ils ont agi sur la base d’une stratégie d’investissement à long terme. Dans certains cas, ces derniers ont fait preuve d’opportunisme en refinançant des entreprises en portefeuilles et en augmentant leur participation dans celles-ci.
Montants investis et nombre de transactions réalisées par des investisseurs étrangers en Latam en 2022.

Fonds étrangers ayant réalisé des opérations en Amérique latine.

Evolution et principaux investissements réalisés dans la zone
Au cours des dernières années, l’industrie tech latino-américaine a bénéficié d’une forte augmentation des investissements, grâce à la création de fonds locaux d’amorçage et à la participation d’investisseurs internationaux. L’Association latino-américaine de capital-risque (LAVCA) estime que plus 35 milliards de dollars ont été investis entre 2015 et 2022 dans des entreprises de la tech latino-américaines.
Les investissements les plus importants ont été principalement alloués aux entreprises des verticales fintech et e-commerce / retailtech, qui ont connu un essor important en raison de la forte demande de numérisation et de l’accès réduit aux services financiers traditionnels.
Le Brésil, en tant que première économie de la région, représente historiquement plus de 50 % des plus grands tour de tables. Cependant, d’autres pays comme le Mexique, la Colombie et l’Argentine ont également attiré des investissements substantiels dans le secteur tech ces dernières années, augmentant ainsi la diversification de l’écosystème technologique, ce qui est essentiel pour accélérer l’effet « boule de neige » et la création d’écosystèmes dans ces pays respectifs.
La professionnalisation des fonds investissant dans la région et l’arrivée d’investisseurs internationaux expérimentés a non seulement permis d’accéder à des montants importants de capitaux, mais aussi à une expertise en matière de développement d’entreprises. Cela a permis aux startups latino-américaines d’étendre leurs activités à l’échelle mondiale et de rivaliser avec les acteurs établis dans leurs secteurs respectifs.


Les plus grands investissements réalisés dans la zone (2019-2022)

Evolution des fusions-acquisitions dans la zone
L’industrie tech latino-américaine a connu une augmentation significative des fusions et acquisitions au cours des dernières années, avec plus de 1 000 transactions enregistrées entre 2015 et 2022, le Brésil et l’Argentine en tête.
Dans le domaine des services numériques, les acheteurs nationaux (par exemple Globant) sont à la recherche d’opportunité pour consolider certains marchés. Les acteurs internationaux, parmi lesquels Accenture et IBM, se concentrent sur l’expansion géographique, tout en profitant de l’écart salarial notable par rapport à d’autres pays, en particulier dans le segment de l’externalisation (BPO).
Les entreprises développant des softwares sont les plus représentées en termes de fusion-acquisition. Cette tendance suggère que de nombreuses entreprises ayant bootstrappé avec succès, ainsi que des acteurs historiques, sont rachetées par d’autres entreprises, afin de proposer des produits à un plus grand nombre de clients.

Seules quelques transactions ont été réalisées par des acteurs financiers (6%), ce qui indique un manque de structures spécialisées dans ce type d’opération opérant dans la région. Par conséquent, la principale voie d’exit pour les entrepreneurs a été plus limitée, contrairement à d’autres marchés tels que l’Europe et les États-Unis, et s’est principalement concentrée sur les acheteurs stratégiques. En effet, plus de 93% des fusions acquisitions ont été effectuées par des acheteurs stratégiques. Il y a encore un manque de « méga-exits » dans la région, mais cela pourrait changer dans les années à venir étant donné l’augmentation du financement que les grands acteurs de l’écosystème ont reçu.
Les plus grandes opérations de fusions-acquisitions entre 2015 et 2022

A propos de cette étude
Cette étude a été réalisée par, GP Bullhound, une société de conseil et d’investissement technologique de premier plan, qui fournit des conseils en matière de transactions et des capitaux aux entrepreneurs et fondateurs du monde entier. Fondée en 1999 à Londres et à Menlo Park, la société compte aujourd’hui 13 bureaux en Europe, aux États-Unis et en Asie. Pour plus d’informations, veuillez consulter le site www.gpbullhound.com.
L’étude a été traduite en français par Business France Brésil avec l’accord de GB Bulhound.
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