Modifié le 21 août 2023
Afrique : « Ne passez pas à côté de ce nouveau terrain de jeu de la tech ! »
Analyse recueillie par Thomas VIAL, Chef du Service Conseil Accélération Startup auprès de Innocent NDRY, Chargé d’Affaires Export / Correspondant Tech pour l’Afrique subsaharienne. La conversation porte sur ce qu’il se passe dans la tech en Afrique, l’appropriation des nouvelles technologies et les opportunités tech à saisir. Beaucoup de professionnels estiment a priori « qu’il […]
Analyse recueillie par Thomas VIAL, Chef du Service Conseil Accélération Startup auprès de Innocent NDRY, Chargé d’Affaires Export / Correspondant Tech pour l’Afrique subsaharienne. La conversation porte sur ce qu’il se passe dans la tech en Afrique, l’appropriation des nouvelles technologies et les opportunités tech à saisir.
Beaucoup de professionnels estiment a priori « qu’il ne se passe rien dans la Tech » en Afrique. Quel risque coure-t-on à diffuser ou entretenir, à court et plus long terme, cet a priori auprès des acteurs innovants ?
Je ne parlerais pas de risques réels à ne pas s’intéresser à l’Afrique, chaque entreprise étant libre de ses choix stratégiques. Cependant, j’estime que notre responsabilité en tant qu’expert Business France est de prêcher la bonne parole, surtout lorsqu’elle est étayée par des exemples réels et pratiques. Il est utile de préciser que l’Afrique n’est pas un pays mais bien un continent avec, certes des disparités sur certaines zones, mais surtout des belles perspectives de développement dans l’ensemble. C’est un continent qui connaît une phase de transformation sociale et économique majeure.
Tenez-vous bien, l’Afrique, c’est :
- Une population jeune et en forte croissance
- Une population qui a un accès régulier à l’Internet, la téléphonie mobile étant le principal mode d’accès
- 7 pays dans le top 20 mondial des pays à la plus forte croissance mondiale parmi lesquels l’on pourrait citer la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Sénégal, le Rwanda entre autres…
Lorsqu’on ajoute à cette transformation digitale, un développement et une croissance de certains services digitaux, tels le E-Commerce, la Fintech, l’Edtech etc., l’on se retrouve face à une terre d’opportunités pour les services digitaux et numériques. Par ailleurs, en règle générale, plusieurs pays africains, à l’instar de la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, disposent d’infrastructures de communication de qualité, à même de supporter les dernières innovations. Ce serait dommage de passer à côté de ce nouveau « terrain de jeu » de la tech que constitue l’Afrique, alors que la concurrence reste beaucoup plus forte sur des marchés matures comme l’Asie, l’Amérique et l’Europe.
Tu as raison, de me conseiller de bien me tenir. J’ai bien retenu ces axes forts et structurants. Tu as de la chance d’être en Afrique, c’est passionnant pour les nouveaux usages ! Mais dis-moi, depuis combien de temps travailles-tu dans le secteur de la Tech en Afrique ? En faisant un flashback, cela représente combien de projets d’entreprises Tech suivis ?
J’ai fait l’essentiel de ma carrière professionnelle au service des entreprises françaises que j’ai d’abord accompagnées au Service Economique de l’Ambassade de France puis chez Ubifrance et au Business France d’Abidjan que nous avons ouvert il y a bientôt 10 ans. En termes de projets, j’en ai suivi des dizaines dans divers secteurs #(Cybersécurité, #Fintech, #E-Commerce, #Audiovisuel, #SIG, #Météo, #Formation professionnelle, #Développement de logiciels métier…).
En règle générale, les entreprises françaises qui nous approchent pour leur développement international, le font pour plusieurs raisons dont deux principales : Identification et rencontre de prospects et, de partenaires potentiels. Beaucoup d’entre elles, après avoir développé des courants d’affaires sur nos différents marchés, s’implantent soit en direct ou par le biais des partenaires techniques et commerciaux préalablement identifiés par nos services. Cependant, si je devais mettre en avant, un projet marquant, ce serait celui relatif à notre contribution en la formation de la 1ère Communauté French Tech francophone en Afrique, labélisée en janvier 2016, juste 3 mois après sa mise en place, grâce à Mme Axelle Lemaire, alors Secrétaire d’Etat chargée du Numérique, lors d’une visite à Abidjan.
En termes de talents, quels sont les traits de personnalité que tu reconnais dans les entrepreneurs qui t’entourent et qui pourraient inspirer les startups françaises de la tech ?
« Derrière chaque difficulté, il y a une opportunité », disait Albert Einstein…La plupart des réalisations des start-up en Afrique sont des innovations, pas présentées comme une finalité mais plutôt comme de vraies solutions qui répondent aux vrais besoins de la communauté. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une grande majorité de start-up en Afrique évoluent dans les domaines de la Fintech mais aussi du E-Commerce, de l’éducation, de la santé, Agtech, Services (B2B, B2C) notamment.
Si l’on devait ressortir quelques traits de caractères qui font la particularité des entrepreneurs locaux dans la Tech, je dirai qu’en plus d’être des passionnés, souvent même « rêveurs », et ils disposent d’une grande force d’adaptation : savoir-faire beaucoup avec très peu de moyens…
Il est vrai que désormais beaucoup de technologies sont disponibles, depuis un téléphone mobile. Comment les acteurs locaux, en fonction des générations, s’en emparent-ils ?
Déjà, il faudrait préciser que depuis plusieurs années, le téléphone mobile ne sert plus seulement qu’à communiquer de manière orale en Afrique, il a plutôt donné naissance à une plateforme d’innovation pour la création de valeur et de richesse mais aussi de développement social pour de nombreux africains. En Côte d’Ivoire, par exemple, environ 70 % de la population dispose d’un accès régulier à l’Internet, principalement via la téléphonie mobile qui pour information affiche un taux de pénétration d’environ 140 %.
S’embarrasseront-ils d’héritage technologique pour lancer de nouvelles activités sur le continent ? quelles seront d’après toi les 1eres activités sur lesquels nous pourrions nous entendre ?
Aujourd’hui, le téléphone mobile sert de banque, il permet également d’apporter des services administratifs, médicaux, scolaires à une grande partie de la population. Il touche même des populations traditionnellement exclues de certains services de base. Sur le plan social, le digital a considérablement transformé les habitudes…Les usagers ne sont plus que consommateurs ; chacun à son niveau est acteur et essaie de créer un contenu. Certains s’établissent en auto-entrepreneurs de l’informel en devenant des « e-commerçants » via les plateformes telles Facebook, Instagram, WhatsApp, d’autres sont également devenus des « e-journalistes » et ne laissent passer aucune information de quelle que nature que ce soit.
Quels sont les 3 risques à prendre en compte pour développer une première activité en Afrique ? Comment s’en protéger ?
Plutôt que de parler de risques, j’évoquerai plutôt des pistes, et clés de succès pour réussir sa prospection et lancer son activité en Afrique.
La 1ère des choses est de ne pas hésiter à se faire accompagner : il existe dans chacun de nos pays, en particulier ceux qui abritent les 8 bureaux Business France d’Afrique subsaharienne, une véritable équipe de France de l’Export au service des entreprises. Autour des 50 personnes, au sein de Business France Afrique Sub-saharienne, dont l’export constitue une expertise avérée, l’on trouvera BPIFrance, les Services Economiques, le réseau des Chambres de Commerce. Ensemble, cette équipe de France permettra aux startup et PME innovantes françaises de gagner du temps et d’avoir accès aux meilleurs profils et contacts d’affaires.
L’autre conseil, serait de se préparer à affronter la concurrence potentielle par la mise en place d’une stratégie locale, comprenant un soutien technique et commercial déployé auprès du distributeur ou partenaire local. Je suis en mesure de décrire les différentes formes que peuvent prendre ce soutien. Privilégier une présence physique en direct ou via un partenaire local serait, en effet, un atout non négligeable, voire nécessaire.
Enfin, ça peut paraître difficile, mais il faudrait faire preuve de patience dans le monde des affaires : la notion du temps et des délais n’est pas forcement la même qu’en occident et les choses peuvent aller très vite mais aussi assez lentement. Ma présence dans l’écosystème, par la prise d’informations régulières et à bon niveau d’interlocuteurs, peut aider à déterminer les étapes, dans le temps, à ne pas manquer.
Avant la crise sanitaire, exposer sur un salon offrait une très grande visibilité aux nouveaux entrants. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les décideurs et entrepreneurs africains se sont adaptés et ont appris à vivre et à travailler avec cette pandémie. Les habitudes ont certes changé : ils participent de moins en moins aux salons professionnels (quand il y a en a), aux événements de networking, mais ils n’ont eu aucun mal à continuer à travailler et à faire des affaires à distance, grâce aux différents moyens qu’offre la technologie. En règle générale, ils sont assez réactifs, nous avons déjà testé des formats de rencontres avec plusieurs d’entre eux, et les choses fonctionnement plutôt bien. Cela n’empêche cependant pas d’envisager les rencontres physiques lorsque c’est nécessaire et possible car la chaleur humaine et les contacts directs restent la base fondamentale des relations d’affaires en Afrique.
Si tu avais un mot ivoirien tech à partager avec nous pour conclure cet échange, quel serait-il et que signifie-t-il ? À très vite !
Au contact des entrepreneurs locaux, on entendra souvent : « No bara, no graya ». Cette expression tirée du « Nouchi » qui est l’argot local signifie qu’il faut se battre pour s’en sortir, il faut se battre quand on veut quelque chose, il faut se battre pour gagner son pain.
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